Cet ouvrage retrace l'histoire d'un projet singulier d'Andy Warhol, né en 1968 sous le titre provocateur de Fuck.

Tourné sans prétention dans l'intimité d'un appartement de Greenwich Village, le film suivait le quotidien banal de Viva et Louis Waldon, rythmé par des discussions — allant de la guerre du Vietnam à des échanges plus légers sous la douche — et des scènes sexuelles non simulées. L'intention était claire : flirter avec la limite du cinéma et du voyeurisme. L'hyperréalisme était accentué par des scènes de vie ordinaire et un cadrage volontairement désinvolte, presque négligent.

Cette négligence est d'ailleurs ce qui a donné sa couleur au projet : en utilisant par erreur des pellicules d'intérieur en plein jour, Warhol a obtenu une dominante très bleue, le faisant rebaptiser plus tard Blue Movie.

Lancé en pleine révolution sexuelle en 1969, le film a naturellement provoqué un scandale majeur. Le gouvernement américain l'a rapidement classé comme pornographie, entraînant la saisie et la destruction de ses copies. Warhol, furieux de cette censure qu'il juge absurde – pour lui, le film parlait autant de politique que de sexe – a alors cherché une parade.

En 1970, il publie cette version papier via l'éditeur Grove Press. C'était un geste de résistance : contourner la censure pour garantir la circulation du discours. L'objet est conçu comme un document brut, incluant les dialogues et plus d’une centaine d’images en noir et blanc tirées du film, allant jusqu'à indiquer les mouvements de caméra.

Plus qu'une simple publication, cet exemplaire est un témoin de la radicalité et de l'engagement politique de Warhol face à la morale de son époque. Aujourd'hui rare et recherché, il est l'incarnation d'un acte de culte dont la provocation initiale continue d'influencer le cinéma et la culture. On peut y voir le sens profond d'une œuvre que sa censure a, paradoxalement, rendue intemporelle.